Dernier texte d’intention qu’elle a écrit pour préparer un voyage en écriture-immersion

Ci-dessous, dernier texte d’intention qu’elle a écrit pour préparer un voyage en écriture-immersion qu’elle voulait faire dans le cadre de « Partir en écriture », dispositif de soutien à l’écriture

Marie Landais

Saut en parachute

« Écrire serait de l’ordre de la sauvagerie d’avant la vie, celle de la forêt. » Marguerite Duras

Comédienne au plus profond de moi-même, comédienne de la racine des cheveux, même de la longueur des cheveux jusqu’aux doigts de pieds. Comédienne ! Me dire que j’ai toute légitimité à être sur le plateau en habitant complètement les mots de l’auteur. Comédienne ! Consacrer librement ma vie à cela ; tenter de vivre un quotidien poétique, comme acte politique. C’est ainsi que je vis !

Et puis arrive un carnage ! Un ravage me coupe le souffle et me laisse un corps dévasté tel une forêt qui subit un ouragan. Une tumeur noire veut m’empêcher de respirer, me précipite dans une invisibilité, une inconscience, une impossibilité à vivre poétiquement. Alors au lieu de me soumettre à ce marasme siphonné, de tomber dans le tréfonds et d’y perdre la vie, une écriture bouillante surgit, une écriture consolante qui me calme d’une terreur profonde que je reconnais, celle de l’enfance.

Me viennent alors des désirs d’écriture sur la forêt, un retour aux origines. J’ai des envies de cachette dans les arbres pour pleurer, pour jouir, pour me guérir des peurs. Je veux fabriquer ma cabane. Je veux aller dans les clairières, vivre le sabbat, danser comme une folle, retrouver les sorcières et vivre le cercle de pierres comme premier lieu de théâtre, renier le monde, en inventer un autre en carton-pâte avec des rencontres de fortune. Je veux m’enfoncer dans la forêt des mots enchevêtrés. Je m’éloignerai de la survie des cités de consommation pour tenter d’écrire dans cet état d’enfance, dans ce rappel de la forêt, comme une nouvelle initiation.

Je ne pars pas en voyage exotique, mais en écriture dans la forêt ; je cherche à revenir au centre de moi-même, revenir à l’origine, re-connaître un endroit, un lieu pourtant jamais vu, me savoir existante exactement là.

Ce n’est pas m’échapper mais plutôt me retrouver ou alors, au contraire justement vouloir échapper au danger immuable d’être prise par la mort.

En partant en écriture dans mon lieu forestier, comme on saute en parachute, je tenterai de déjouer ce qui m’attend…

Marie Landais